Le texte de l’acte de décès :
en marge : Pierre BESNIE mh
le lundi sixième jour d’octobre 1692 a été inhumé dans le cimetière de Monnières le corps
de défunt, sépulture de Pierre Besnié qu’on nous a dit être ainsi nommé et de la paroisse
d’Ingrandes, au delà Ancenis, charpentier de batteaux qui a travaillé à raccommoder des
batteaux au pont de Monnières et qui a logé l’Epau de 15 jours ou environ chez le sieur
Jean Dabin et femme [...] vendants vin en ce bourg, et lequel on a trouvé mort le jour
d’hier dimanche cinquième octobre gisant mort dans le jardin entre la métairie de Launay
dépendant du Marquisat de la Gallissonnière et les jardins du village du pé de Sèvre ,
dont le corps a été levé par Mrs les officiers du Marquisat de la Galissonnière le jour d’hier
et information par eux faite que la mort du dit défunt est arrivée […] qu’il était garent
d’esprit et sans jugement et qu’il était catholique apostolique et romain, ainsi qu’il a été
informé par le procès verbal des messieurs des dits juges ayant trouvé sur la manche de
son habit une croix à lui donnée par les Révérents prêtres jésuites qui ont fait depuis par
intuission en cette paroisse,
en conséquence de la quelle information et suivant icelle
nous soussignés recteur de Monnières l’ai inhumé dans le cimetière de séant le jour et
[…] en présence de de Maître Noël Fichet procureur fiscal du Plessis Guerry qui nous a
déclaré avoir assisté au lever du corps du dit défunt comme substitut du procureur fiscal
du dit Marquisat lequel signe et en présence de de Michel et René Foucaud et de
plusieurs autres qui ne signent.
Signatures : Fichet, procureur fiscal
Thual, prêtre, Recteur de Monnière
Des vérifications faites
Le prêtre, recteur de la paroisse de Monnières, prend toutes les précautions pour que
cette sépulture se déroule dans les règles de son époque :
Premièrement, il se réfère au service d’ordre de l’époque
Il précise que les officiers du marquisat de la Gallisonnière, ont fait la levée du corps le
dimanche 5 octobre 1692. Ce corps était situé dans le jardin entre la métairie de l’Aunay et
les jardins du Pé de Sèvre.
Ces officiers ont aussi attesté que la mort était naturelle, en précisant que ce Pierre
Besnié était sain de corps et d’esprit et qu’il était sans jugement : il ne faisait l’objet
d’aucune poursuite judiciaire. Aujourd’hui nous dirions que son carser judiciaire était vierge
Deuxièmement, il se réfère aux autorités religieuses
Les prêtres Jésuites ont fait parvenir aux officiers du marquisat de la Gallisonnière un
procès verbal attestant que le dit Pierre Besnié était catholique, apostolique et romain et
ils ont fait transmettre l’information au recteur de Monnières.
En 1692, nous sommes dans la période qui suit la révocation de l’Édit de Nantes. Le roi
Louis XIV n’autorise que la religion catholique, apostolique et romaine. Au cours de la
période 1685-1699 plus de 75 habitants de Vieillevigne et de Saint-Crespin-sur-Moine ont
abjuré leur foi dans la religion protestante ; sans renonciation à leur foi, ils devaient quitter
le royaume.
Troisièmement, il se réfère aux autorités judiciaires
Maître Noël Fichet procureur fiscal du Plessis Guerry a été présent lors de la levé du corps
de Pierre Besnié, dans les jardin entre l’Aunay et le Pé de Sèvre. Il est aussi présent à
l’inhumation et il va signer le registre de la paroisse.
Le recteur de la paroisse a donc tout fait pour que l’inhumation et le registre attestent la
vérité de ce qui s’est passé.
Ce qui se rapporte à la navigabilité de la Sèvre
Ce Pierre Besnié vient d’Ingrandes, au-delà d’Ancenis. Ingrandes est un port sur la Loire.
Les mariniers de la Sèvre Nantaise avaient donc des contacts avec les travailleurs du port
d’Ingrandes au point de faire appel à leur charpentier pour réparer leur bateaux.
Le vignoble des bords de la Sèvre avait déjà des relations avec les autres vignobles du val
de Loire.
Ce Pierre Besnié exerce la profession de charpentier de bateaux. Il a une compétence,
une spécialité qui le distingue des charpentiers de maison. C’est en raison de cette
compétence qu’il travaille à Monnières en octobre 1692.
Il est là depuis une quinzaine de jours pour raccommoder des bateaux au Pont de
Monnières. Il y a donc plusieurs bateaux au Pont de Monnières sans que nous ne
puissions préciser le nombre. Ces bateaux naviguent depuis longtemps puisqu’il faut les
raccommoder : certains bateaux ont déjà de l’ancienneté, de l’usure, aussi faut-il les
réparer.
La navigation sur la Sèvre entre Le pont de Monnières et Vertou est donc déjà ancienne.
Quelle était la taille ce des bateaux ? L’acte de décès ne le précise pas. Nous aimerions
savoir s’ils pouvaient transporter deux, trois ou quatre barriques de muscadet, ou plus.
En revanche, nous savons que la valeur de ces bateaux était telle que l’intervention d’un
charpentier de bateaux, venu des bords de Loire, au-delà d’Ancenis, en valait la peine.
L’enjeu était la vente des vins et des eaux-de-vie. La navigabilité de la Sèvre était
probablement un axe majeur pour le commerce du vin de ce vignoble.
Luc GOURAUD
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